Hubert Lenoir, Klô Pelgag, Safia Nolin, Dave St-Pierre... le casting d'un film de Fellini !

J'emprunte cette blague à Woody Allen.

Quand quelque chose est bizarre, incongru, excentrique, le qualifier de "casting de Fellini", cinéaste qui mettait parfois en scène des personnages farfelus avec des physiques improbables (trop gros, trop grand, trop maquillé) pour faire rire dans la tradition de l'humour italien, proche de l'art du clown, de la commedia dell'arte.

Au Québec, nous avons développé une forme semblable d'humour avec Sol et Gobelet, avec les émissions pour enfants comme La Ribouldingue, qui reprenait quelques personnages typés (Pantalon, le clown blanc, etc. Le festival Juste pour rire est né ici. Le Cirque du Soleil a réinventé l'art du cirque en l'habillant à la mode contemporaine.

Quand l'entarteur Belge est venu faire son tour au Québec, il a tout de suite trouvé des émules... pendant un temps... de même que les Femen.

Diane Dufresne, dans son personnage scénique, aimait la folie contrôlée.

C'est le bon côté de la chose mais qui vire parfois à l'absurde.

Le Québec est aussi le pays de feu Zombie Boy avec son visage tatoué, défiguré (paix à son âme).

S'il y a une folie à faire, c'est ici qu'elle va se faire ! Nous sommes si ouverts à tout et à tous.

Trop, c'est trop ! Nous ne sommes pas le pays de la mesure, de la politesse, du respect des usages sociaux. 

Et que penser de tous ces jeunes artistes qui bafouent en apparence les usages?
Liberté, man !

Oui, pourquoi pas, on laisse bien une Lady Gaga jouer les excentriques dans les galas internationaux. 

Cela dit, cette jeune génération exprime une autre forme de conformisme. Joue-t-on pas les excentriques ou l'est-on vraiment? Ce serait alors une forme conformisme de l'anticonformisme.  

On la devine être de gauche, anarchiste jusqu'à un certain point. Elle vote probablement pour Québec Solidaire ou elle ne vote pas.

Québécoise sans l'être vraiment ou totalement.

Bref, elle ressemble au pays du Québec, le pays du non-pays qui ne s'est pas vraiment choisi en 1980 et dont la personnalité est floue et fluctuante et qui change au gré des modes idéologiques, gravant d'un tatouage son adhésion du moment. 

Et de se retrouver avec le bras totalement tatoué comme Coeur de Pirate ! Un jour, hétéro, un jour queer, un jour lesbo, on ne sait 
plus ! (Son thérapeute se serait pendu !) 

Hier, la gauche était souverainiste, socialiste ; aujourd'hui elle sera mondialiste et socialiste... et écologiste, et féministe, et anti-raciste, et pro-LGBT...

Petit-bourgeois, tu resteras, même en t'habillant à l'Armée du Salut (Catherine Dorion) ou en sortant d'un casting de Fellini (Klô Pelgag), ou d'un improbable Bollywood (Hubert Lenoir).




(Inspiré de l'article de Steve Fortin  : 
https://www.journaldequebec.com/2018/10/31/quon-les-laisse-creer-les-hubert-lenoir-klo-pelgag-safia-nolin-dave-st-pierre
Ce Québec de la rectitude me tue...

Qu’on les laisse créer les Hubert Lenoir, Klô Pelgag, Safia Nolin, Dave St-Pierre...


Hubert Lenoir s’est foutu son trophée dans la bouche. «Ô mon Dieu!» Et Klô Pelgag portait une
moustache. «As-tu vu ça!»

Le tout m’a amusé au départ. Mais là, le talk of the town, c’est la guéguerre entre Safia Nolin et Mario Pelchat, c’est l’indignation suscitée par un artiste qui deapthroat son trophée.
  • Règle # 1 : tu ne lances pas le Félix.
  • Règle # 2 : tu ne deepthroat pas le Félix.
On ajoutera ça aux codes à ne jamais transgresser. C’est que le gala du dimanche soir dépasse les cadres du milieu clos des artistes déjantés. Y’a d’autre monde qui regarde. Tout doux les amis là.
Le Québec a été coincé longtemps. Dans le sens de « stuck-up », comme le dirait Safia Nolin, dans son franglais que j’aime bien.
Puis il s’était dégêné un peu, beaucoup même. Le temps de quelques générations. Et nous revoici au temps des censeurs, de l’indignation à très peu de chose, de la rectitude qui castre, qui étouffe.
«La main du bourreau finit toujours par pourrir»
Oui, ce célèbre poème de Roland Giguère, que certains ont interprété comme un chant à la libération des sombres années duplessistes. Un poème d’étouffement, certes, de par sa forme, notamment, mais par son rythme et son propos, surtout.

Grande main qui pèse sur nous

grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
grande main de fer rouge.

grands ongles qui nous scient les os

grands ongles qui nous ouvrent les yeux
comme des huîtres
grands ongles qui nous cousent les lèvres
grands ongles d'étain rouillé
grands ongles d'émail brûlé.

mais viendront les panaris

panaris
panaris.

la grande main qui nous cloue au sol

finira par pourrir
les jointures éclateront comme des verres de cristal
les ongles tomberont.

la grande main pourrira

et nous pourrons nous lever pour aller ailleurs.


Le poème est daté de 1951, mais il est paru en 1960 dans un recueil intitulé L’âge de la parole. 1960, année phare de la Révolution tranquille. Date marquante dans l’histoire du Québec; le début d’une grande dépossession du joug lourd, suffocant, que gardait le clergé sur la société québécoise.
À bien des égards, ce poème de Roland Giguère rend merveilleusement bien ce sentiment d’étouffement, et d’aspiration à naître, l’aspiration d’une parole à prendre.
Et ce qui allait suivre pendant quelques décennies fut fulgurant.
La transgression des anciennes normes allait devenir la nouvelle norme. On repousserait le plus loin possible le seuil d’indignation; entrainant ainsi une multitude de possibles. Dans le monde des arts, entre autres.
Et ce Québec de la démesure m’a beaucoup fasciné.
Un de ses personnages en particulier, justement, par sa capacité à chercher à repousser toujours plus loin la limite de l’indignation. Son nom, Denis Vanier.
Selon certains aspects, Hubert Lenoir me fait penser à lui. Vanier n’était pas un chanteur populaire, mais plutôt un poète de la contre-culture. De la contre-culture radicale.

Et je ne crois pas qu’on l’aurait invité à un gala du dimanche soir à la grande télévision. Si vous avez été indignés par Hubert Lenoir, je vous conseille de vous tenir loin de Denis Vanier.
«Le clitoris de la fée des étoiles»
En notre époque puritaine, sclérosée à bien des égards, époque où les curés de la rectitude reviennent – à ce moment même où le religieux le fait aussi, on le remarquera – je me demande si un Denis Vanier pourrait se construire une œuvre aussi phénoménale que celle qu’il a laissée, lui, décédé au tournant du millénaire.
Suffit de se pencher à sa période, féconde, du haut-lieu de la contre-culture québécoise; fin soixante, début des années soixante-dix.
Je pense entre autres aux recueils tels que Le clitoris de la fée des étoilesPornographic delicatessen et Lesbiennes d’acid, notamment.
Iconographie violente, sexuellement explicite et très portée sur la jouissance, une poésie de l’éclatement : des règles, de la convenance, de la société, des tabous. Une poésie fondée sur la transgression de l’acceptable, sur la révolte tous azimuts, tel que l’annonce, triomphalement, cet extrait de Allo-police, poème tiré de son recueil Lesbiennes d’acid :

premièrement le poil et le clitoris en tant qu'instrument d'insubordination tactile

deuxièmement la vulgarité pour sa pureté et sa bonne odeur
troisièmement les mathématiques subversives aux mains des enfants
et quatrièmement la révolution pour la fin du chrysler impérial

DaGiovanni étampe ses carrés de jam dans le dos des negers québecois

et la plotte Eaton est un camp de concentration pour les fish sticks pollués de Radio-Canada

tank you Allah pour les racks à viande universitaires

qui se déshonnorent à lire Jean-Guy Pilon
pendant que les vrais poètes mangent des aspirines de Dracula incessants

l'argent c'est le vol

voler aux riches est un acte saint et sacré
tout ce qui est en vente dans les grands magasins nous appartient
il ne s'agit que de le reprendre
l'argent doit servir de papier à cigarette de marijuana
legalize it because we will take it in your blood
PS : Kraft fuck the cheese


C’est un des poèmes que lira le jeune Denis Vanier à la Nuit de la poésie de 1970. Ça détonait de certains autres textes, plus à la page du peace and love, ou encore des poètes du pays ou des grands comme Gaston Miron et Jean-Guy Pilon...
J’ai tout de suite eu un coup de foudre pour ce poète (et Michèle Lalonde, apothéose de beauté cette soirée-là, en récitant Speak White... ).
On remarquera que dans la transgression des codes, il y avait aussi celui de la langue. Safia Nolin n’a rien inventé, ni les Dead Obies. S’accaparer de la cohabitation linguistique, insérer les références anglophones dans le cœur de la poésie québécoise, assumer que cette langue n’existe pas en vase clos même si on sait bien la parler.
Car c’est la réalité. Tout simplement. Vous comprendrez que je ne suis pas de ceux qui s’indignent de la langue de Safia Nolin. Vraiment pas. Cette femme, merveilleuse, brillante, lumineuse, maitrise mieux sa langue, j’en suis certain, que les idiots qui ne sont capables de mieux que de la moquer.

PHOTO STEVE E. FORTIN
«La vulgarité pour sa pureté et sa bonne odeur»
Qu’on les laisse créer les Hubert Lenoir, Klô Pelgag, Safia Nolin, Loud, et tous les autres. Qu’on laisse en paix les Robert Lepage, Dave St-Pierre et autres artistes qui souffrent en notre époque de «la grande main qui nous aplatit contre terre».
Devant ces curés de la rectitude, il nous revendiquer encore, comme jadis, le droit à la vulgarité, à la transgression de la norme.
Mais qu’est-ce qu’on s’en fout que le chanteur Hubert Lenoir se foute son trophée dans la gorge.
À une autre époque, alors que Denis Vanier avait fait les manchettes (d’où le titre du poème Allo-Police, nom d’un quotidien de faits divers de l’époque où il avait paru!) après s’être fait arrêter pour possession de stupéfiants, le poète s’était moqué de ses détracteurs quelques semaines après l’affaire.
À la grande surprise de tous, Denis Vanier avait réussi à faire la première page du Prions en église, version provinciale!
Voilà Hubert Lenoir! T’as de la marge!

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